Press statement by Michel Barnier following the July 2018 General Affairs Council (Article 50)

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Monsieur le Ministre, cher Gernot,

Mesdames et Messieurs,

Avant toute chose, permettez-moi de dire tous mes vœux à la Présidence autrichienne, qui se tient à un moment clef. C’est en particulier sous votre Présidence, cher Gernot, que nous devons conclure les négociations sur le Brexit.

D’ici au Conseil européen d’octobre, dans 13 semaines, notre objectif est de finaliser l’accord de retrait, dont 80% des dispositions sont déjà en vert dans le texte, c’est-à-dire qu’elles font l’objet d’un accord. Et notre objectif est aussi de nous mettre d’accord avec le Royaume-Uni sur le champ du futur partenariat, dans une déclaration politique.

Ce matin j’ai pu faire une analyse commune avec les 27 ministres, au terme d’une nouvelle semaine de négociations, de ma discussion hier avec Dominic Raab, avec lequel j’ai eu un entretien très utile et très cordial, et alors que nous avons reçu jeudi dernier le Livre blanc britannique sur la future relation.

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Mesdames et Messieurs,

Ce Livre blanc est le fruit d’un débat très intense au Royaume-Uni qui était nécessaire. Chacun peut constater que ce débat n’est pas terminé.

De notre point de vue, il y a plusieurs éléments qui ouvrent la voie à une discussion constructive pour la déclaration politique sur notre future relation, par exemple :

  • la proposition d’un accord de libre-échange, qui devrait constituer le cœur de notre future relation économique. On rejoint là une proposition clef des guidelines du Conseil européen : un ambitieux free trade agreement ;
  • des engagements en matière de level playing field, notamment en ce qui concerne les aides d’Etat et les règles sur l’environnement et l’emploi ;
  • et une large convergence de vues sur de possibles et nécessaires coopérations en matière de sécurité intérieure et extérieure.

Le Royaume-Uni apporte des garanties en matière de protection des droits fondamentaux et reconnaît la Cour de justice de l’UE comme seul arbitre du droit européen.

Cela facilitera les échanges de données entre le Royaume-Uni et nous, et cela ouvre donc la possibilité d’élargir notre offre en matière de coopération sur la sécurité interne en particulier.

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Mesdames et Messieurs,

Concernant notre futur partenariat économique, le Livre blanc soulève trois séries de questions auxquelles nous attendons des réponses :

1/ D’abord, les propositions du Livre blanc sont-elles compatibles avec les principes posés par les 27 chefs d’état et de gouvernement dès le début de cette négociation, principes rappelés par les ministres des affaires étrangères aujourd’hui, parmi lesquels :

  • L’intégrité du marché intérieur et de l’union douanière et de notre politique commerciale commune ;
  • L’indivisibilité des quatre libertés ;
  • L’autonomie de décision de l’Union européenne.

Voilà les principes qui sont dans mon mandat et que je ferai respecter scrupuleusement tout au long de cette négociation.

En tout état de cause, notre responsabilité est de protéger le marché intérieur de l’Union européenne, ce que nous sommes, surtout dans la période actuelle.

Prenons un exemple : le Royaume-Uni se dit prêt à s’aligner sur les standards de l’Union pour les biens – mais uniquement pour les standards contrôlés à la frontière.

Le Royaume-Uni ne s’alignerait donc pas sur nos règles agro-alimentaires relatives, par exemple, aux OGM ou aux pesticides, puisque le respect de ces règles n’est pas contrôlé à la frontière.

Cela nous a été confirmé cette semaine dans la négociation.

  • Mais comment pourrions-nous alors protéger les consommateurs européens ?
  • Sur quelle base pourrions-nous accepter la libre circulation de ces biens ?

2/ Deuxième question : ces propositions du Livre blanc sont-elles opérationnelles, “workable” ? Est-ce qu’elles sont applicables sans complexité supplémentaire ni bureaucratie additionnelle ?

Cette question se pose pour l’alignement réglementaire sur les biens, mais encore plus pour le “facilitated customs arrangement” proposé par le Royaume-Uni.

Cette proposition consisterait à appliquer deux tarifs – celui du Royaume-Uni ou celui de l’Union – aux biens qui entrent au Royaume-Uni, selon que ces biens sont destinés au marché britannique ou au marché européen.

Cela pose de nombreuses interrogations pratiques. Par exemple :

  • Comment les services douaniers pourraient-ils vérifier la destination finale des biens, et donc s’assurer que le bon tarif douanier leur est appliqué ? N’y a-t-il pas là un risque majeur de fraude ?
  • Quels seraient les surcoûts financiers et administratifs pour les entreprises et les services douaniers contraints de se conformer à ce nouveau système? Je veux dire simplement que le Brexit ne peut pas être, et ne sera pas, une justification pour créer une bureaucratie additionnelle.
  • Quel serait l’impact de tarifs britanniques inférieurs à ceux de l’Union sur les recettes, à la fois pour le budget européen et pour les Etats membres?

Ce système douanier complexe poserait aussi une question plus fondamentale :

  • Comment l’Union pourrait-elle déléguer l’application de ses règles douanières à un pays non membre de l’UE, qui ne sera plus soumis à notre cadre de gouvernance ?
  • Cela serait-il acceptable, ou tout simplement juridiquement possible ?

3/ Troisième question : les propositions du Royaume-Uni sont-elles dans l’intérêt économique de l’Union européenne ?

Et c’est aussi dans mon mandat de protéger les intérêts de l’Union européenne.

Deux observations :

Par définition, le “common rulebook” pour les biens ne concernerait pas les services, sur lesquels le Royaume-Uni veut être libre de diverger. Quand on sait que 20 à 40% de la valeur des produits que nous utilisons tous les jours est liée aux services, comment éviterait-on la concurrence déloyale qui pourrait s’exercer sur les entreprises européennes ?

Comment éviter qu’une politique commerciale britannique autonome, tout en gardant tous les avantages de notre union douanière, offre aux entreprises britanniques des avantages compétitifs majeurs au détriment des entreprises de l’Union ?

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Ladies and gentlemen,

These were some of the questions we discussed yesterday with Dominic Raab.

We will continue this discussion. And we will look constructively at the answers that we will get to our questions.

But our main focus must be the finalisation of the Withdrawal Agreement.

Let me recall that the Withdrawal Agreement is the prerequisite for an orderly withdrawal, for the transition period, and for creating the trust that we need to build a solid partnership for the future.

This requires in particular a legally operative backstop – an “all-weather insurance policy” – to address the issues of Ireland and Northern Ireland. All 27 Member States insist on this.

Why? Because we are committed to protecting Ireland and Northern Ireland against the consequences of Brexit and to preserve the Good Friday Agreement in all its dimensions.

I said this on my last visit to Ireland and Northern Ireland a few weeks ago, where I engaged with stakeholders across both communities.

Let me simply recall the commitment taken by Prime Minister Theresa May to have a backstop in her letter to President Tusk in March. The respect of this commitment is essential.

And I made clear to Dominic Raab yesterday that we are not asking for a border between Northern Ireland and the rest of the UK. What we need is checks on goods because the UK wants to leave the Single Market, the Customs Union and our common commercial policy.

We cannot afford to lose time on this issue. And this is why we have invited the UK to work on the backstop next week.

We are open to any solutions as long as they are workable and can be transformed into a legally operative text in time for the Withdrawal Agreement.

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Ladies and gentlemen,

Even if we want to reach a deal, it is also our responsibility to be prepared for all scenarios, including a “no deal”.

As the European Council said, we have to step up preparation at all levels, for all scenarios.

And the Communication adopted by the Commission yesterday should be read in this context.

We are encouraging national administrations and companies to use the time we have, which is very short, to accelerate this preparation.

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Mesdames et Messieurs,

Nous devons trouver rapidement un accord sur tous les sujets encore ouverts dans l’accord de retrait. Ceci inclut bien sûr la question de l’Irlande et de l’Irlande du Nord, qui est la plus grave, mais aussi la question des bases militaires britanniques à Chypre et évidemment Gibraltar. Chacun de ces points est nécessaire. Je répète, nécessaire.

Et nous devons construire avec le Royaume-Uni la déclaration politique sur notre future relation d’ici octobre.

A ce stade de la négociation, même s’il nous reste peu de semaines, nous n’avons pas besoin de plus de temps. Nous avons besoin de choix et de décisions, de clarté et de certitude juridique.

Plus tôt viendront ces décisions et cette clarté, plus tôt nous pourrons nous concentrer sur l’essentiel, c’est-à-dire le futur partenariat que nous souhaitons le plus ambitieux possible, pour le commerce, pour les coopérations sectorielles, mais aussi pour notre sécurité intérieure et pour la politique étrangère et la défense.

Merci pour votre attention.